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à cette nation. Si elle l’adora jamais, ce ne fut que très-postérieurement, lorsqu’elle eut formé d’étroites liaisons avec les Grecs ; les véritables ancêtres de ceux-ci associèrent bientôt le ciel à la terre pour en faire leur seul dieu. Leur doctrine à cet égard se conserva dans l’île de Samothrace, suivant le témoignage de Varron.

Leur ancienne théogonie nous représente le ciel comme le plus ancien des dieux auxquels est associée la terre. De leur union naquirent les habitants des cieux, c’est-à-dire que ceux-ci ne furent reconnus qu’après eux. Kronos ou Saturne, pris ordinairement pour le Temps, et confondu quelquefois avec le Ciel, fut la première de ces nouvelles divinités ; son culte avait été porté dans la Grèce par les Phéniciens, qui l’adoraient sous les noms de Baal, de Moloch, etc., et lui sacrifiaient des victimes humaines ; usage auquel la fable qui nous montre ce dieu dévorant ses propres enfants fait allusion. Ces abominables cérémonies décrièrent bientôt ses prêtres. On les regarda comme des monstres, des géants cruels. On les appela Titans, de Titée ou la Terre, dont ils passaient pour fils ainsi que du Ciel, parce qu’ils n’en avaient pas abandonné le culte en adoptant celui de Kronos. Enfin on les dit ses frères, à cause de leur grand attachement pour lui, lequel leur attira de sanglants démêlés avec les partisans de Jupiter.

L’île de Crète fut le berceau de ce dernier dieu, c’est-à-dire que son culte y prit naissance ; d’où il passa dans le continent de la Grèce. Il ne s’y établit pas sans opposition de la part des Pélasges ou de leurs prêtres, qui soutinrent une guerre de dix ans contre les novateurs. On suppose que Saturne avait été détrôné et relégué par Jupiter dans le Tartare, parce que les partisans de celui-ci eurent l’avantage ; ils en profitèrent pour introduire dans la religion des Grecs une foule de divinités dont le nombre augmenta encore à l’arrivée des colonies égyptiennes.

Les guerres de religion remontent donc à l’origine des sociétés, et en troublèrent de tout temps le repos. On trouve dans la théogonie d’Hésiode la preuve de ces dissensions, qu’il cache toujours sous le voile de l’allégorie, attribuant aux dieux mêmes ce qui n’appartient qu’à leurs prêtres ou à leurs partisans. Ceux du Ciel et de la Terre furent les Titans, et ceux de Jupiter, les Cyclopes. Les uns et les autres passaient pour fils de ces deux premières divinités, parce qu’ils en avaient été les ministres. Ces derniers étant les plus éclairés apprenaient, non-seulement, à leurs concitoyens l’usage des métaux, mais encore leur donnèrent quelques principes d’architecture. Ils en laissèrent des monuments que le temps n’a pas détruits, quoiqu’il ait obscurci leurs actions. Leur magnanimité, leur force et leur courage, les rendaient, selon Hésiode, égaux aux dieux.