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que des êtres de pure raison. Empédocle d’Agrigente, fils de Méton, donne comme principe de tout ce qui existe les quatre éléments, le feu, l’air, la terre et l’eau : soumis eux-mêmes à une double force, l’amour et la haine, dont l’une rapproche et l’autre sépare. Vous voyez donc quelle confusion règne entre ceux que vous réputez sages et que vous regardez comme les fondateurs de votre religion : les uns admettent l’eau comme principe générateur ; les autres, l’air, le feu ou l’un des autres éléments dont nous venons de parler. Chacun d’eux appelle à son aide une éloquence persuasive, afin de donner une certaine vraisemblance à leurs assertions si peu solides, et tous leurs efforts ne tendent qu’à faire triompher leur opinion particulière. Voilà ce qui résulte de leurs écrits. Ainsi ceux d’entre vous qui désirent leur salut, ô Grecs, peuvent-ils sans danger croire que la connaissance de la vraie religion leur sera transmise par des hommes qui ne peuvent se persuader de la nécessité de s’accorder entre eux, et d’éviter tant de querelles et de disputes !

V. Mais les plus attachés à une erreur si ancienne et si invétérée nous diront peut-être que ce n’est pas de ces hommes dont nous venons de parler qu’ils ont reçu la vérité religieuse, mais de philosophes de la plus haute réputation et de la vertu la plus accomplie, c’est-à-dire d’Aristote et de Platon. Voilà, nous disent-ils, les hommes qui ont connu la religion pure et véritable. Je demanderai d’abord, à ceux qui me feraient cette réponse, d’où ils pensent que ces philosophes aient tiré ce qu’ils enseignent, et quels maîtres le leur ont appris. Car il ne se peut pas faire qu’ils aient eu d’eux-mêmes ces grandes et divines connaissances, et qu’ils les aient transmises aux autres sans les avoir préalablement reçues eux-mêmes d’hommes savants et habiles. Je crois donc nécessaire d’exposer l’opinion de ces deux philosophes. L’examen nous apprendra si leurs doctrines ne se contredisent point entre elles. Si nous faisons voir qu’eux aussi ne s’accordent pas plus entre eux que les autres, il ne nous sera pas difficile, je pense, d’en conclure qu’ils ont également ignoré la vérité. Platon, comme s’il descendait des cieux et qu’il y eût étudié et vu tout ce qui s’y passe, regarde le feu comme le prin-