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J’étais ce que vous êtes ; soyez ce que je suis. Voilà la doctrine, voilà le Verbe dont la force, dont la puissance m’a subjugué. Comme un enchanteur habile qui fait fuir précipitamment le serpent que ses charmes ont attiré hors de sa caverne, ainsi le Verbe fait sortir du fond de l’âme les passions non moins redoutables qui s’y tiennent cachées ; avant tout il chasse la cupidité, et avec elle tous les maux qu’elle enfante, comme les inimitiés, les querelles, l’envie, la jalousie, la haine. À peine a-t-il délivré l’âme de ce tyran, qu’il y fait régner la paix, qu’il y ramène la sérénité. Et cette âme, une fois affranchie des ennemis qui se la disputaient, va se réunir à celui qui l’a créée ; il est juste qu’elle remonte au séjour d’où elle est descendue.


EXHORTATION AUX GRECS[1].

I. En commençant ce discours, ô Grecs, je prie Dieu qu’il nous fasse la grâce, à moi de m’inspirer ce qu’il convient de vous dire ; à vous, de renoncer à ces anciens préjugés auxquels vous êtes attachés avec tant d’obstination, afin qu’abandonnant désormais les erreurs de vos pères, vous embrassiez la vérité. Ne craignez pas de vous rendre coupables envers vos aïeux, si des doctrines contraires à celles qui les avaient égarés vous paraissent maintenant les meilleures. Souvent un examen plus attentif, dirigé par l’amour du vrai, nous fait voir sous un tout autre aspect les choses que nous avions d’abord trou-

  1. Toute cette exhortation tire son principal mérite de l’époque où écrivait saint Justin. Il est admirable de voir comment, dans un siècle où tous les philosophes et tous les poëtes étaient remplis d’extravagances, le Christianisme sépare le faux du vrai, et fait sortir une seconde fois la lumière du chaos. Saint Justin analyse tous les systèmes. On ne comprend plus comment il était nécessaire de réfuter de pareilles absurdités ; mais c’est grâce à saint Justin et à ceux qui l’ont suivi que tout cela nous paraît si absurde. C’est ce qui donne un grand prix à des traités de ce genre.