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le bienheureux Polycarpe. Vous viviez alors avec éclat à la cour de l’empereur, et souvent vous veniez vers ce saint évêque dont vous vouliez vous concilier l’estime. Je me souviens mieux de ce qui se passait alors que de tout ce que j’ai vu depuis. Ce qu’on apprend dans l’enfance se nourrit et croît en quelque sorte dans l’esprit avec l’âge, et ne s’oublie jamais ; de sorte que je pourrais même indiquer le lieu où était assis le bienheureux Polycarpe, lorsqu’il prêchait la parole de Dieu. Je le vois encore : partout où il allait, quelle gravité ! Soit qu’il entrât, soit qu’il sortît, quelle sainteté respirait dans toute sa personne ! quelle majesté sur son visage et dans tout son extérieur ! combien étaient puissantes les exhortations dont il nourrissait son peuple ! Il me semble encore l’entendre nous raconter ses conversations avec saint Jean et plusieurs autres disciples qui avaient vu Jésus-Christ, nous citer leurs paroles et toutes celles qu’ils avaient recueillies de la bouche même du Sauveur, nous entretenir et de ses miracles et de sa doctrine, d’après ce qu’il en savait de ceux qui avaient connu le Verbe de vie et conversé avec lui. Son récit était parfaitement d’accord avec celui des saintes Écritures. J’écoutais avidement toutes ses paroles, je les gravais, non sur des tablettes, mais dans le plus profond de mon cœur. Je puis donc protester devant Dieu que si cet homme apostolique eût entendu avancer une seule erreur semblable aux vôtres, il eût à l’instant même bouché ses oreilles et témoigné son indignation par ce mot qui lui était familier : « Mon Dieu, à quels jours m’aviez-vous réservé ! »

On se rappelle sa réponse à Marcion qu’il avait rencontré à Rome et qui lui demanda s’il le connaissait ? « Oui, répliqua le saint, je te connais pour le fils aîné de Satan. » Aussi les hérétiques le redoutaient autant que les fidèles le vénéraient. On le regardait partout avec saint Ignace comme une des plus fermes colonnes de l’Église, qu’il éclairait par ses écrits en même temps qu’il la propageait par son zèle, qu’il l’édifiait par ses vertus et qu’il versait son sang pour sa défense.

Il ne nous reste qu’une seule épître de ce grand saint : elle est adressée aux Philippiens, qui avaient reçu chez eux saint