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nique à toutes les âmes. Parmi les transports de la piété et les ravissements de la religion, les diacres distribuent la victime sainte : c’est la force des combattants, c’est le gage de la victoire. Déjà les premiers rayons annoncent qu’il faut se séparer ; ils se quittent à regret, mais leurs cœurs sont brûlants du feu de la charité, et, devenus terribles aux démons, ils courent braver les tourments et la mort.

« Combien de fois n’a-t-on pas vu ceux que la persécution avaient vaincus d’abord redemander les échafauds, se précipiter sur les bûchers, plus doux pour eux que la séparation d’avec leurs frères ! Les autres, couverts de cendres et de cilices, revenaient chaque jour inonder de leurs pleurs le seuil des asiles sacrés. On voyait alors des magistrats, des hommes puissants, embrasser les genoux du pauvre et le prier de fléchir pour eux la sévérité des saints pontifes.

« Là, les peines d’un seul étaient le malheur de tous ; l’indigence d’un seul, l’objet de l’intérêt de tous ; la chute d’un seul, le sujet des larmes et des peines de tous. Le Chrétien, éloigné de sa patrie, retrouvait pour ainsi dire sa famille partout où il y avait des Chrétiens. Il devenait par son baptême l’enfant de l’Église universelle. Au premier cri d’une Église attaquée, toutes les autres venaient à son secours. On a vu souvent des fidèles se vendre pour racheter leurs frères et périr pour les délivrer. La charité, selon la prédiction de Jésus-Christ, était le signe auquel on reconnaissait ses disciples, et, au défaut des accusations, cette vertu les distinguait et les dénonçait aux tyrans. »


De l’obscurité jetée par les Juifs sur les vertus héroïques des premiers Chrétiens.


Comme la vérité doit toujours être le prix du travail, les apparences peuvent séduire les esprits qui ne réfléchissent pas. La persécution contre les Chrétiens, ces actes étonnants qui signalaient leur courage et leur foi, auraient suffi pour frapper tous les esprits, si les Juifs n’avaient été alors exposés aux mêmes calamités et souvent dans les mêmes lieux. Il y avait des Juifs martyrs, comme des Juifs Chrétiens ; mais pour ceux qui voulaient réfléchir, quelle différence entre les deux causes et les deux religions ! Nous devons faire remarquer ce mélange de lumière et d’obscurité, qui se retrouve sans cesse dans l’histoire comme dans la nature.