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jusqu’au soir. Ils se confessaient vaincus, ne sachant plus que faire contre elle ; ils admiraient qu’elle respirât encore, ayant tout le corps ouvert et disloqué, et témoignaient qu’une seule espèce de torture était capable de lui arracher l’âme, loin qu’elle pût en souffrir tant et de si fortes. Pour elle, la confession du nom chrétien la renouvelait ; son rafraîchissement et son repos étaient de dire : « Je suis Chrétienne, et il ne se fait point de mal parmi nous. » Ces paroles semblaient la rendre insensible.

« Le diacre Sanctus souffrit aussi des tourments excessifs ; mais, au lieu que les païens espéraient par là en tirer quelques paroles indignes de lui, il eut une telle fermeté, que jamais il ne leur dit ni son nom, ni sa nation, ni la ville d’où il était, ni s’il était libre ou esclave. À toutes ces questions, il répondit en latin : Je suis Chrétien. Ils ne l’entendirent jamais dire autre chose. Le gouverneur et les bourreaux en furent tellement irrités contre lui, que, ne sachant plus que faire, ils lui appliquèrent sur les parties les plus délicates du corps des lames de cuivre embrasées. Ainsi brûlé, il demeurait immobile et ferme dans la confession. Son corps n’était que plaie et meurtrissure, tout retiré, et il n’y paraissait plus de figure humaine. Quelques jours après, les païens voulurent le remettre à la torture, croyant le vaincre en appliquant les mêmes tourments à ces plaies enflammées, qui ne pouvaient pas même supporter d’être touchées avec les mains, ou du moins que mourant dans le tourment il épouvanterait les autres ; mais contre toute apparence, son corps se redressa et se rétablit, il reprit sa première forme et l’usage de ses membres, en sorte qu’il semblait que ce fut plutôt le panser que le tourmenter.

« Biblis, qui était de ceux qui avaient nié, fut appliquée à la torture pour lui faire avouer les impiétés dont on accusait les Chrétiens. Les tourments la réveillèrent comme d’un profond sommeil : ces douleurs passagères la firent penser aux peines éternelles de l’enfer. « Et comment, dit-elle, mangerions-nous des enfants, nous à qui il n’est pas permis de manger le sang des bêtes ? » Dès lors elle se confessa Chrétienne, et fut mise avec les martyrs. Les Chrétiens observaient alors, plusieurs siècles après, la défense de manger du sang, portée par l’ancienne loi et confirmée par le concile des Apôtres.

« Les tourments se trouvant inutiles par la vertu de Jésus-Christ et la patience des martyrs, ou les enferma dans une prison obscure et incommode, on leur mit les pieds dans des entraves de bois, les tendant jusqu’au cinquième trou, et on les traita si cruellement, que la plupart furent étouffés dans la prison. Quelques-uns, après avoir été si violemment tourmentés qu’ils semblaient ne pouvoir vivre quand ils auraient été pansés avec