Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des coups, leur jetant des pierres, les enfermant, et faisant tout ce que peut une multitude en fureur. On les conduisit sur la place, où ils furent examinés publiquement par le tribun et par les magistrats de la ville ; et, ayant confessé Jésus-Christ, ils furent mis en prison jusqu’à la venue du gouverneur. Ensuite ils lui furent présentés ; et comme il les traitait cruellement, Veltius Epagathus, jeune homme d’une vie irréprochable et d’un grand zèle, ne le put souffrir, et demanda d’être écouté pour les défendre, et pour montrer qu’il n’y avait aucune impiété parmi nous. Tous ceux qui étaient du tribunal se récrièrent contre lui, car il était fort connu ; et le gouverneur, au lieu de recevoir sa requête, lui demanda seulement s’il était aussi Chrétien. Veltius le déclara à haute voix, et fut mis au nombre des martyrs, avec le titre d’avocat des Chrétiens. Il y en eut environ dix qui tombèrent par faiblesse, étant mal préparés au combat. Leur chute nous affligea sensiblement et abattit le courage des autres, qui, n’étant pas encore pris, assistaient les martyrs et ne les quittaient point, malgré tout ce qu’il fallait souffrir. Nous étions tous dans de grandes alarmes, à cause de l’incertitude de la confession. Nous n’avions pas peur des tourments, mais nous regardions la fin, et nous craignions que quelqu’un ne tombât. On faisait tous les jours des arrestations, en sorte que l’on rassemblait tous les saints des deux Églises, qui les soutenaient principalement.

« Avec les Chrétiens on prit aussi quelques esclaves païens qui les servaient, car le gouverneur avait ordonné de les chercher tous. Ces esclaves païens, craignant les tourments qu’ils voyaient souffrir aux fidèles, et poussés par les soldats, accusèrent faussement les Chrétiens des festins de Thyeste et des mariages d’Œdipe, c’est-à-dire des incestes et des repas de chair humaine, et de tout ce qu’il ne nous est permis de dire, ni de penser, ni même de croire que jamais les hommes aient commis. Ces calomnies étant divulguées, tout le peuple fut saisi de fureur contre nous ; en sorte que, s’il y en avait qui eussent gardé jusque là quelque mesure, ils s’emportaient alors frémissant de rage. On voyait l’accomplissement de la prophétie du Sauveur, « que ceux qui feraient mourir ses disciples croiraient rendre service à Dieu. »

« Ceux que la fureur du peuple attaqua le plus violemment furent Sanctus, diacre, natif de Vienne ; Maturus, néophyte ; Attalus, né à Pergame, mais qui avait toujours été le soutien de cette Église ; et Blandine, esclave. Nous tous, et principalement sa maîtresse, qui était du nombre des martyrs, nous craignions qu’elle n’eût pas même la hardiesse de confesser, à cause de la faiblesse de son corps. Cependant elle lassa tous ceux qui, l’un après l’autre, lui firent souffrir toutes sortes de tourments, depuis le matin