Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 1.djvu/239

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

témoignage de ce fait dans un édit publié à cette occasion. Après avoir rapporté que c’est aux prières des pieux soldats de son armée qu’il est redevable de la victoire signalée remportée sur les ennemis de l’empire, il défend d’accuser désormais les Chrétiens à cause du nom qu’ils portaient.

Marc-Aurèle avait adopté, dès l’âge de douze ans, le système des stoïciens, qui apprenait à soumettre son corps à son esprit, à faire usage de sa raison pour dominer ses passions, à considérer la vertu comme le bien suprême, le vice comme le seul mal, et tous les objets extérieurs comme des choses indifférentes ; mais cette philosophie ne donnait nullement la force de pratiquer ce qu’elle enseignait. C’était une illusion que l’esprit du mal cherchait à opposer au Christianisme ; car Dieu ne voulait pas seulement mettre les Chrétiens en regard des tyrans les plus exécrables, il voulait encore qu’on pût les comparer à des empereurs philosophes, à des hommes qu’on appelait vertueux.

Il faut remarquer à cette époque un grand changement amené par le Christianisme. Avant l’apparition de Jésus-Christ dans l’univers, la philosophie se réfugiait dans l’athéisme, et la vertu dans le suicide : sous Antonin et Marc-Aurèle, la philosophie croit en un seul Dieu et invoque la patience et l’humilité. César avait déclaré au milieu du sénat que tout finissait avec la vie, que l’âme et le corps s’anéantissaient à la fois, et qu’il n’y avait au delà du tombeau ni joie, ni supplice. Caton s’était donné la mort après avoir lu le Phédon. Épictète, philosophe du second siècle, fait consister toute la vertu dans la patience.

Marc-Aurèle, dans ses ouvrages, est rempli d’onction, tandis que Zénon, qui écrivait avant le Christianisme, ne prêchait que l’insensibilité. « Vous aimerez les autres, dit ce prince, si vous pensez que vous êtes leurs frères ; que c’est par ignorance et malgré eux qu’ils font des fautes, et que dans peu vous mourrez tous. » C’est là un langage évidemment emprunté aux Chrétiens. « Le stoïcisme ne nous a donné qu’un Épictète, dit Voltaire, et la philosophie chrétienne forme des milliers d’Épic-