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Mlle DE CLERMONT.

mot, chaque circonstance étoit un trait déchirant qui s’enfonçoit jusqu’au fond de son cœur : gardant un morne silence, il écoutoit M. le Duc avec un saisissement qui, heureusement, suspendoit toutes les facultés de son ame, et qui ne lui permit ni plaintes, ni larmes, ni la plus légère marque d’attendrissement ; l’excès de sa douleur en sauva les apparences : mais ce premier moment passé, le plus violent désespoir succéda à cette espèce d’anéantissement. Quoi ! se disoit-il, c’est moi qui la tue, c’est mon inconcevable imprudence qui a produit cette affreuse révolution !… Grand Dieu ! c’est moi qui la tue et je la perds dans l’instant où je reçois d’elle les plus touchans témoignages de tendresse !… Je ne lui en ai donné qu’un seul, en bravant tout cette nuit, pour lui parler, et cette funeste preuve d’amour la précipite au tombeau ! L’infortuné duc de Melun faisoit ces réflexions désespérantes à côté de M. le Duc, et forcé de dévorer ses larmes, il souffroit tout ce que la contrainte peut ajouter à la plus juste douleur.