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LE BONHOMME.

timent que d’ingénuité. La naïve Isaure ne savoit pas qu’une coquette de trente-huit ans ne pardonne jamais lorsqu’on lui fait ombrage, ou qu’on a déjoué ses prétentions et blessé sa vanité. Madame de Béville fit de profondes réflexions sur cet événement. En demandant du temps, elle n’avoit songé qu’à s’assurer de celui qui lui seroit nécessaire pour combiner sa conduite. Elle avoit toujours été jalouse des agrémens et de la jeunesse de sa nièce, par conséquent elle ne l’avoit jamais aimée ; mais l’orgueil et l’ambition lui donnèrent l’idée de lui faire faire un grand mariage ; ensuite, les flatteries du chevalier, en lui persuadant qu’il éprouvoit pour elle un sentiment plus tendre que l’amitié, avoient exalté sa tête, naturellement très-vive. Elle croyoit jouer un rôle héroïque ; et quoiqu’elle se repentît de n’avoir pas songé d’abord à se proposer elle-même, on l’avoit tellement enivrée de louanges et d’espérances ambitieuses, elle étoit si persuadée que seule elle gouverneroit à son gré le chevalier, et qu’Isaure n’auroit aucun ascendant sur