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LE BONHOMME.

que ne devoit-elle pas craindre d’un caractère si impétueux et d’une passion si violente ? Cet amant désespéré, ne seroit-il pas capable, avant de se donner la mort, d’immoler M. de Férioles, et même d’attenter à la vie du baron ?… Voilà comme on juge à dix-huit ans, quand on est capable d’aimer, qu’on a lu beaucoup de romans, et lorsqu’en même temps, l’exagération et la flatterie ont exalté la vanité. La crainte et la compassion ont perdu plus de femmes que l’amour. On admet sans beaucoup d’efforts des suppositions extravagantes, qui flattent en secret l’amour-propre ; croire qu’un amant déçu deviendra frénétique, ou qu’il mourra lentement de la consomption, c’est se diviniser soi-même : il n’en faut pas tant à la jeunesse pour être crédule.

Isaure soupiroit en écoutant le chevalier ; elle ne répondoit que par monosyllabes ; mais, tout en se promenant avec lui, elle tâchoit de se rapprocher de la maison, et lorsqu’elle en fut près,