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DÉROUTÉ.

noître à présent, que je n’exagérois pas en vous parlant de Léontine avec enthousiasme ; vous pouviez facilement vous méprendre sur le sentiment qui m’inspiroit : à nos âges, l’admiration et l’amitié ressemblent tant à l’amour ! et pour un cœur sensible, la reconnoissance n’est-elle pas aussi une passion ? Léontine me cherchoit pour me parler de vous ; je lui parlois de Bathilde ; cette double confidence rendoit nos entretiens si doux, si animés, elle joignoit l’intérêt inépuisable de l’amour au charme délicieux de la confiance et de l’amitié. Souvent en nous observant, vous avez dû voir sur le visage de Léontine, l’expression d’un sentiment passionné, mais c’est qu’alors elle venoit de prononcer votre nom, et vous étiez jaloux de tout ce qui confirmoit votre bonheur. Léontine, de son côté, ne jouissoit qu’en tremblant de votre amour ; elle aimoit à l’entrevoir, mais en craignant toujours que vous n’eussiez la faiblesse de le déclarer. Quand elle cherchoit à vous éprouver, quand elle essayoit de vous faire rompre le silence,