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L’AMANT

Elle fit un cri de joie en m’appercevant. « Les momens nous sont chers, lui dis-je, répondez-moi, êtes-vous libre ? — Oui, je le suis. — Vous ne pouvez vous sauver qu’en me donnant la main. On va venir, dites que nous sommes engagés l’un à l’autre depuis long-temps… — Ô mon généreux libérateur ! il faut cependant que vous sachiez que je ne possède rien au monde ; mes parens ont émigré, et tous leurs biens sont vendus. Tant mieux, mon action aura toute la pureté de mes motifs ». À ces mots, mademoiselle de Mauny, baignée de larmes, se jette à mes pieds, et serrant mes genoux dans ses bras : « Ô vous ! dit-elle, dont j’ignore le nom, ange bienfaisant ! vous que je choisirois quand je serois assise sur le trône de l’univers ! je vous donne ce qu’on peut offrir de plus précieux à la Divinité même, un cœur pénétré de reconnoissance, un cœur pur que les passions n’ont jamais ni souillé, ni troublé ; mais vous, grand Dieu ! ne vous repentirez-vous point un jour du sacrifice sublime que vous faites à la pitié ?…