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DÉROUTÉ.

pour Melcy, le même plaisir à le voir, le même empressement à lui parler en particulier ; elle avoit toujours quelque secret à lui dire à l’oreille ; sa présence, loin de la gêner jamais, paroissoit lui être agréable dans tous les instans. Absorbé dans ces diverses réflexions, le comte se promenoit à pas lents dans une sombre allée de marronniers, lorsqu’il entendit marcher derrière lui. Il se retourna et tressaillit en appercevant Léontine : elle étoit seule, elle s’avançoit ; il alloit se trouver sans témoins avec elle : quel événement !… un premier tête-à-tête avec l’objet qu’on aime, est une époque dans la vie… Rosenthall étoit bien décidé à se taire ; mais cette idée ne put affoiblir le charme de cet instant de trouble et de bonheur. Léontine s’approcha d’un air timide ; on ne parla d’abord que de choses indifférentes ; ensuite, on garda le silence : car la conversation tombe facilement quand on veut dissimuler ce qu’on éprouve, et qu’on est trop préoccupé de ses pensées pour trouver autre chose à dire. Au bout de l’allée étoit un