Page:Genlis - Nouveaux contes moraux et nouvelles historiques, tome 3, 1802.pdf/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
178
LA PRINCESSE

vous je ne serois jamais parvenue au trône d’Espagne : mais vous avez beaucoup risqué ! — Non, madame, répondit Alberoni, j’étois certain du succès. J’avois le projet de vous tout avouer quand vous seriez reine ; je comptais d’avance sur la bonté qui daigne en ce moment excuser la témérité de mon zèle. Avec une telle espérance je pouvois facilement braver la colère de madame des Ursins, dans le cas où vous seriez décidée à la tirer d’erreur. — Oui, dit Élisabeth, je ne lui laisserai point croire que j’aie eu la honteuse foiblesse de copier la lettre qu’elle avoit dictée. — Il faudra cependant, reprit Alberoni, user de quelques ménagemens ; l’attachement du roi pour elle en impose la loi. — Non, non, repartit vivement Élisabeth ; on ne dénoue point les nœuds formés par l’habitude, il faut les rompre. Ce mot effraya beaucoup Alberoni. Les caractères artificieux sont naturellement portés à temporiser ; ils ne sont téméraires qu’en employant la ruse, et lorsque la nécessité les presse, la force ouverte les épouvante toujours.