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reux et aimé d’une jeune fille, ne put l’obtenir qu’à condition qu’il la porteroit sur ses épaules au sommet de la montagne inaccessible. On crut rebuter les deux amans en imposant une telle condition ; mais l’amour ne doute de rien ; les amans acceptèrent, au grand étonnement de toute la vallée. L’amant charge celle qu’il aime sur ses épaules ; il croit qu’il pourroit la porter ainsi au bout du monde, et qu’un si doux fardeau donneroit des forces si l’on en manquoit. Il rit des mortelles inquiétudes de ses parens et de ses amis ; il part triomphant, il gravit toute la montagne ; mais, parvenu à la cime, en faisant le dernier pas qui l’élève au sommet, il rend son dernier soupir. Telle est la tradition, qui a l’air d’une allégorie ; car, en effet, l’amour promet tout, entreprend tout, et après avoir tout obtenu il expire !… L’histoire ajoute que la jeune fille désespérée se précipita dans la rivière qui coule au pied de cette montagne escarpée, qui prit alors le nom de Montagne des deux Amans. Sur ce petit fond romanesque, je fis en deux jours un drame que je lus à madame de Mérode, au comte de Caraman, frère du marquis et neveu du pré-