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connoîssance ne me fut pas agréable ; j’en détaillerai les raisons. C’est le seul événement de ma vie en ce genre que je conterai mais cette histoire est si morale, que je ne dois pas l’omettre ; d’ailleurs on verra par le dénoûment, que ce n’est pas la vanité qui a pu m’engager à faire ce singulier récit.

Lorsque je fus un peu remise de ma frayeur, je demandai à être reconduite auprès de madame de Puisieux, nous ne retournâmes point d’où nous venions ; le vicomte me fit passer d’un autre côté par des dégagemens. Nous y trouvâmes une jolie femme de Bordeaux nommée madame Rousse de Corse, que l’on rapportoit blessée sans connoissance, comme d’un champ de bataille, de la foule horrible où nous avions passé. Cette pauvre jeune femme étoit tombée, on l’avoit foulée aux pieds ; elle étoit dans un état pitoyable. On appela un chirurgien, et elle fut saignée dans les appartemens mêmes. Cette vue me fit frémir, et je fis grand plaisir au vicomte de Custines, qui vouloit m’empêcher de m’arrêter près d’elle, en lui disant que je voulois regarder tout ce que je lui devois. M. le duc d’Orléans partit pour Villers-Cotterets le 6 mai, et madame de Pui-