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mille royale, on m’arracha subitement du bras de M. le duc d’Orléans. Je fus emportée par le flux et le reflux, car beaucoup de gens vouloient retourner sur leurs pas ; c’étoit même le plus grand nombre. Je me trouvai poussée, ballottée, pressée, enlevée ; mes pieds ne touchoient plus la terre. Dans cette extrémité, je cherchois en vain des yeux M. le duc d’Orléans ; je l’avois absolument perdu de vue : ma frayeur étoit au comble, lorsque tout à coup un domino bleu, très-grand et très-svelte, force tous les obstacles, se précipite vers moi, me saisit comme un mannequin, m’entraîne, et avec une impétuosité qui ressembloit à la fureur, me transporte dans la salle royale, où l’on étoit assez à l’aise. J’avois perdu toute envie de danser et de regarder ; je m’appuyai contre le lambris ; j’étois prête à me trouver mal. Enfin je reprends ma respiration ; je veux exprimer ma reconnoissance à mon libérateur, il me répond, et je reconnois le vicomte de Custines, le beau-frère de mon amie, arrivé depuis huit jours de la Corse (où je l’avois envoyé, je dirai dans la suite de quelle manière), et où il s’étoit distingué par le plus brillant courage. Cette re-