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dre détail elle persuadoit à M. le duc d’Orléans que son sentiment malheureux la privoit également de sommeil et d’appétit ; elle ne dormoit plus, ne mangeoit plus. Il est certain qu’en présence de M. le duc d’Orléans elle faisoit une diète rigoureuse ; mais elle s’en dédommageoit dans son absence. Il est vrai que, chez elle, elle ne se mettoit plus à table ; mais, sans lui servir des repas en règle, on lui apportoit à manger cinq ou six fois par jour. Un soir que j’étois chez elle, et que nous n’attendions point M. le duc d’Orléans, mademoiselle Legrand, sa femme de chambre, entra en tenant une grande écuelle de vermeil qui contenoit une copieuse rôtie au vin. Ma tante, négligemment et d’un air dégoûté, prit l’écuelle sur ses genoux, et, par un effort de raison, elle se mit à manger la rôtie, dont il ne restoit plus que le tiers lorsqu’on entendit un carrosse entrer dans la cour. Je me précipite à la fenêtre, et j’annonce M. le duc d’Orléans. Aussitôt ma tante sonne avec précipitation. Mademoiselle Legrand se fait un peu attendre ; enfin elle arrive en disant que M. le duc d’Orléans la suit. Ma tante ne songe qu’à se débarrasser promptement des débris de la