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pas ma faute. Enfin je prouverai, que je n’ai nulle envie de le séduire, je le livrerai à lui-même, je vais aller à Barège. »

En prenant ainsi cette décision, ma tante imagina que M. le duc d’Orléans ne pourroit supporter son absence, et que cette épreuve lui feroit connoitre qu’il lui étoit impossible de se passer d’elle ; qu’enfin, à son retour, elle pourroit dire qu’elle étoit tout-à-fait guérie de sa passion malheureuse. Dans tout ceci ma tante risquoit beaucoup plus qu’elle ne pensoit, et elle eut dans cette occasion plus de bonheur que d’habileté.

C’étoit une chose plaisante que la manière dont ma tante causoit avec moi de toute cette affaire. Avec toute autre confidente de ses amies, elle auroit employé mille fois plus de finesse ; mais elle parloit avec moi à peu près comme elle auroit parlé toute seule, à l’exception de deux ou trois phrases qui affirmoient qu’elle n’avoit ni projet, ni ambition. Du reste, elle me laissoit voir toute sa rancune contre les personnes qu’elle supposoit opposées à ses vues ; elle ne prenoit pas la peine de me cacher ses inquiétudes et ses vives agitations. Elle ne me trouvoit pas dépour-