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rent, un véritable troupeau de moutons bien blancs, bien savonnés, défiler dans ce bocage et conduits par une bergère, danseuse de l’Opéra. Tandis que l’on préparoit cette scène ingénieuse, et que la compagnie dansoit dans le salon, les moutons enfermés s’échappèrent, on ne sait comment, et, sans chien et sans bergère, se précipitèrent tout à coup en tumulte dans le salon, dispersèrent les danseurs et furent donner de grands coups de tête dans les glaces ; les bonds, les bêlemens du troupeau effarouché, le bruit qu’ils faisoient en fendant et brisant les glaces, les cris et la fuite des femmes, les éclats de rire des danseurs, formèrent une scène beaucoup plus amusante que n’auroit pu l’être la pastorale, dont cet accident priva l’assemblée. Pour moi je la trouvois une bonne femme, parce qu’elle étoit grasse et rieuse ; et, d’après cette manière de juger, qu’à cet égard j’ai conservée, madame d’Husson, belle-sœur de M. de Donézan, me paroissoit la meilleure personne du monde, et certainement en cela je me trompois beaucoup. Madame d’Husson avait alors au moins quarante ans, elle étoit belle, et elle a toujours eu une conduite et une réputation irré-