Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

poésie[1]. Madame de Montesson me mena plusieurs fois souper chez madame la duchesse de Mazarin, la personne la plus malheureuse en beauté, en magnificence et en fêtes, qu’on ait jamais vue dans le monde. Elle étoit beaucoup trop grasse pour être agréable, mais elle étoit très-belle, elle avoit un teint éclatant ; on lui trouvoit des couleurs trop vives ; la maréchale de Luxembourg disoit qu’elle avoit, non la fraîcheur de la rose, mais celle de la viande de boucherie. Ce mot est cruel, il fit fortune, et voilà une fraîcheur déshonorée.

On disoit que la fée Guignon Guignolant avoit présidé à la naissance de la duchesse

  1. Monsigny n’eut ni la fécondité de Grétry, ni l’énergie de Gluck ; mais jamais on n’a composé en France des airs plus suaves, d’une plus touchante mélodie, et d’une gaieté plus vraie. Cependant Grimm et les oracles du goût trouvoient cette délicieuse musique dépourvue d’idées, de couleurs ; ce style si simple, si pur, leur paroissoit pauvre, nu, sans ornement. Que conclure de ces beaux arrêts réformés par l’âge suivant ? c’est que si l’instruction et l’esprit suffisent pour prononcer sur les ouvrages de littérature, il faut autre chose pour juger les œuvres des arts.
    (Note de l’éditeur.)