Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/116

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

particulièrement lorsqu’elles étoient jeunes et jolies. Pour les vieilles, il se plaisoit à les contrarier. C’est ce qu’il faisoit même avec madame de Puisieux, qui le lui rendoit bien ; car elle le trouvoit souvent insupportable. Leurs discussions n’étoient jamais violentes ; on y conservoit toujours le respect d’un côté et la politesse de l’autre mais on y trouvoit sans interruption un grand fonds d’aigreur. Dès mon premier voyage à Sillery, M. de Puisieux, un matin que nous étions tête à tête, à cheval, me dit que j’avois fait, sinon la plus brillante, du moins la plus étonnante conquête, celle de M. Tiquet, et que je la devois à la sagesse de mes lectures ; car M. Tiquet seul les connoissoit : c’étoit lui qui avoit la clef de la bibliothèque, et qui me prêtoit les livres que je demandois. M. de Puisieux ajouta que M. Tiquet lui avoit dit que, lorsque mon enfantillage seroit passé, je deviendrois une femme d’un grand mérite. M. Tiquet n’avoit pas confié à M. de Puisieux une chose dont sûrement, au fond de l’âme, il me savoit encore plus de gré que de mes sages lectures : c’est qu’en général, dans ses disputes avec madame de Puisieux, quand cette dernière