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déjà en soutane, quoiqu’il n’eût que douze ou treize ans. Il boîtoit un peu, il étoit pâle et silencieux, mais je lui trouvai un visage très-agréable, et un air observateur qui me frappa. Il y avoit encore à Sillery M. le duc d’Aumont, excellent homme, d’un très-grand sens ; on disoit dans le monde qu’il n’avoit pas d’esprit[1], ce qu’on y dit toujours des gens dépourvus d’agrémens extérieurs, qui n’ont rien de brillant dans la conversation, et qui sont toujours raisonnables : monsieur le maréchal et madame la maréchale d’Étrée : M. Damécourt, homme de robe très-spirituel, qui, avec une figure un peu ridicule, étoit homme à bonnes fortunes : la vieille princesse de Ligne, qui avoit le plus vilain visage de cinquante ans que j’aie jamais vu ; un visage gras, luisant, sans rouge, d’une pâleur livide, et orné de trois mentons en étages ; on avoit dit qu’elle ressembloit à une chandelle qui coule, et il

  1. Ce qui a pu donner cette opinion du duc d’Aumont, c’est l’indécision de son caractère. Dans les circonstances difficiles, il hésitoit sans cesse à prendre son parti, ce qui fit dire que sa montre retardoit toujours. Né en 1752, il est mort en 1799, fort retiré et fort oublié ; il avoit été cependant lieutenant-général.
    (Note de l’éditeur.)