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On me place sur un superbe palanquin ; le sultan me suit à pied pour me faire des reproches très-amers. Je sentis pourtant qu’il ne falloit pas gâter la fête en désolant celui qui véritablement la donnoit, et qui s’en étoit fait le héros pour m’en déclarer la reine. Je pris le ton de plaisanterie, et je parvins à l’apaiser. Toutes les dames étoient sur des palanquins charmans ; les Turcs suivoient à pied, au son de la musique. On nous fit ainsi traverser dans toute leur longueur, ces vastes et beaux jardins, magnifiquement illuminés. Cette promenade fut ravissante. À l’extrémité du parc nous trouvâmes une superbe salle de bal remplie d’orangers, de guirlandes de fleurs, de mes chiffres, et de rafraichissemens. Le grand-seigneur me déclara sultane favorite, et nous dansâmes toute la nuit. On m’a donné beaucoup de fêtes dans ma vie, mais je n’en ai point vu de plus ingénieuse et de plus belle que celle-là.

Trois ou quatre jours après nous partîmes pour Sillery. J’avois passé au Vaudreuil les cinq semaines les plus dissipées de ma vie ; néanmoins je lus toujours tous les matins pendant ma toilette, comme à l’ordinaire. J’avois