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éclats. Le séjour à Dieppe fut de la même gaieté. Ma surprise, mon admiration, mon saisissement furent extrêmes à l’aspect de l’Océan, vu pour la première fois de la jetée de Dieppe, où on le voit si bien dans toute sa majesté. Il ne me manquoit qu’une chose, c’étoit d’être toute seule. J’avoue que la gaieté turbulente de nos compagnons de voyage me fut bien importune dans ce moment. Tandis que je contemplois ce spectacle admirable, j’étois bien scandalisée d’entendre rire, et dire des extravagances comme dans un salon, ou au coin du feu ; aussi fut-on très-étonné de ma gravité, et il fut décidé que j’étois fort maussade au bord de la mer. Je fis le jour même une petite navigation qui ne me réussit pas, car la mer me rendit si horriblement malade, que nous regagnâmes le rivage après avoir fait seulement une lieue. Nous visitâmes les boutiques remplies de jolis ouvrages en ivoire, dont madame de Puisieux me donna une prodigieuse quantité ; nous fîmes la meilleure chère du monde en poisson : nous passâmes un jour plein à Dieppe, et dans l’enchantement de notre voyage nous retour-