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Dominant cette scène de désordre du haut de son caisson, Gurval ne savait encore quel parti prendre, lorsqu’une vingtaine de sardiniers poussèrent irrésistiblement les Buanic hors de l’abri.

— Attention ! oh ! hisse ! commandait au même instant M. Béven ; et femmes, enfants, vieillards halèrent le « cartahu ». Le grand canot glissa sur sa quille et, soudain, s’échappant de son chariot, comme un nageur qui pique une tête, il rebondit à la lame au cri triomphal des pêcheurs. Nonna et Anne, bousculées par des gens uniquement préoccupés du succès de ce lancement, avaient essayé de rejoindre Jean et Julien. Quand elles furent enfin sorties du hangar, elles aperçurent, de l’autre côté du port, sur le sentier de Kerpenhir, deux formes blanches qui fuyaient rapidement. Les demoiselles Bourhis entourées par les veuves de la « Rosa-Mystica », criaient aigrement :

— Arrière ! les âmes perdues. Buanic, vous auriez noyé les gens du « Celtique » comme vous avez abandonné notre père, et nos maris. Âmes perdues ! âmes perdues !

Et les mousses, en dansant, imitaient par plaisanterie le ululement des chats-huants.


IX

LE BRICK FANTÔME


Ce samedi soir d’octobre, le patron Gurval Lanvern, au sortir de la friterie de M. Kersalaun où il avait touché la paie des trente mille sardines livrées par son équipage pendant la semaine, s’en revint à sa « maison du bateau » retrouver ses matelots afin de régler leurs dépenses et de verser à chacun sa part.

La maison du bateau de « l’Autarchiste », singulier nom donné par Gurval à sa barque, en souvenir de l’amiral