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histoire du mouvement janséniste

solu à leur complaire, sans néanmoins porter atteinte à la doctrine de l’évêque d’Hippone ; il ne se prêtait pas à la manœuvre qui consistait à frapper Jansénius pour atteindre plus sûrement le docteur de la grâce. Mais il mettait entre les mains des Jésuites une puissante machine de guerre.

Ils avaient dû attendre deux ans, car la bulle d’Innocent X est du 31 mai 1653, et dans leur impatience ils avaient attaqué leurs ennemis, et particulièrement le monastère de Port Royal, par des pamphlets odieux. Racine indigné a flagellé quarante ans plus tard leur Père Brisacier qui, dit-il, « en vint jusqu’à cet excès d’impudence et de folie que d’accuser ces religieuses, dans un livre public, de ne point croire au Saint Sacrement, de ne jamais communier, non pas même à l’article de la mort, de n’avoir ni eau bénite ni images dans leur église ; de ne prier ni la Vierge ni les saints ; de ne point dire leur chapelet ; les appelant des asacramentaires, des vierges folles, et passant même à cet excès de vouloir insinuer des choses très injurieuses à la pureté de ces filles ». L’archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, qui estimait infiniment les religieuses de Port-Royal, crut devoir intervenir, et le 7 janvier 1652 il fit publier une « censure foudroyante » qui déclarait le libelle de Brisacier « injurieux, calomnieux, et contenant plusieurs mensonges et impostures. ». Il défendait en conséquence de « lire, vendre ou débiter ledit livre sous peine d’excommunication. » Le célèbre M. Olier, curé de Saint-Sulpice, refusa de publier cette censure, car il approuvait Brisacier, et il fallut l’y contraindre par une sommation spéciale. « Tous les gens de bien, dit encore Racine, s’attendaient que le Père Brisacier serait désavoué par sa Compagnie, et que, pour ne pas adopter par son