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qu’il fasse par lui-même ce qu’il faisait par cet instrument de sa grâce et de sa miséricorde sur vous. » La phrase est d’une lourdeur affreuse ; mais ce passage est bien curieux, et il permet de justifier et même de glorifier Mme de Sablé. Ainsi Pascal mourant aurait eu pour cette névrosée une tendresse comparable à celle que lui avait inspirée Mlle de Roannez elle-même ; il serait allé, si l’on en croit la très peu hyperbolique Mère Agnès, jusqu’à vouloir servir son âme aux dépens de sa vie. Il aurait été un ami fidèle, et mieux encore, un directeur de conscience, un instrument de la grâce et de la miséricorde divines ; quelle gloire pour la célèbre marquise ! Il faut donc que Port-Royal lui ait reconnu des mérites et des vertus que nous ne soupçonnons pas, car le tableau de ses manies, de ses bizarreries, de ses appréhensions ridicules serait plutôt de nature à indisposer le lecteur et à la faire juger très sévèrement. Au dire de Tallemant des Réaux, elle était d’un négligé extraordinaire, « toujours faite comme quatre œufs, et le lit aussi propre que la dame ». Elle paraissait songer à ses potages, à ses salades et à ses confitures beaucoup plus qu’à la grâce efficace ; elle recevait chez elle, à Port-Royal même, des Jésuites comme les PP. Ferrier, Rapin et Bouhours, et des grands seigneurs libertins comme le duc de La Rochefoucauld ; elle semblait servir à la fois Dieu et Bélial. Que dire enfin de ses folles terreurs ? Il fallait faire des tours de force de prophylaxie et d’antisepsie quand il y avait des malades parmi les sœurs, les novices ou les petites pensionnaires, ses voisines immédiates, car elle avait une peur affreuse de la contagion. En 1662, d’après une lettre inédite de la Mère Angélique de Saint-Jean, quand une des miraculées de la Sainte-Épine, la jeune Claude Bau-