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histoire du mouvement janséniste

commentaires de sa façon cent trente et une lettres de Jansénius, écrites entre les années 1617 et 1635[1]. À ces lettres, ou pour mieux dire à ces extraits de lettres, dont les Jésuites n’ont jamais voulu montrer les originaux, il convient d’en ajouter vingt-trois autres que Sainte-Beuve n’a pas connues et dont j’ai entre les mains les autographes ; elles sont inédites, et elles sont d’un intérêt médiocre. Il fallait avoir de bonnes lunettes de jésuite pour y trouver la moindre trace de cabale ou de complot. Elles sont d’un bon Flamand, compatriote de Rubens, de Jordaens et de Téniers, qui s’amuse parfois à se servir d’un chiffre, mais qui confie ses lettres à la poste, et qui les ferme avec son cachet. Il aime tendrement son ami, et il lui écrit le plus souvent possible, avec beaucoup de gaité et en faisant de l’esprit à la manière flamande. Il ne déteste pas les bonnes choses, car il se fait envoyer un grand panier de jambons de Bayonne, dissimulés sous quelques gros livres pour dépister les gourmands. S’il parle d’une chanoinie dont il est question pour lui, il dit qu’elle a autant d’amoureux que la femme d’Ulysse, et il fait allusion à des courtoisies plus chaleureuses qu’on ne saurait attendre en un pays de froidure. Mais sa manière de plaisanter consiste surtout à dérouter les mouchards en donnant des noms baroques aux personnages dont il parle. Il se désigne lui-même sous les noms de Sulpice, de Boèce, de Quinquarbre, de Cudero ; Saint-Cyran est appelé indifféremment Célias, Solion, Durillon ou Rongeart ; les Jésuites, c’est Gorphoroste, Pacurius, Porris, Chimu, Ciprin, Satan romaniste, les Fins ; leur Père Garasse est appelé Pla-

  1. Ces lettres ont été rééditées par Gerberon en 1702, et accompagnées d’un commentaire historique très instructif.