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histoire du mouvement janséniste

abbesse titulaire, en 1602, une petite fille qui n’avait pas encore fait sa première communion. Son père, le célèbre avocat Antoine Arnauld, l’avait mise en religion malgré ses cris, contre toutes les règles de la discipline ecclésiastique et même de la morale chrétienne. Mais six ans plus tard, en 1608, Angélique Arnauld entendit, par hasard, un bon sermon fait par un capucin débauché qui apostasia quelques jours après ; elle prit soudainement, à l’âge de dix-sept ans, la résolution de réformer son abbaye, et l’on sait qu’elle y réussit parfaitement malgré la résistance des siens. Après la fameuse journée du guichet, dont Sainte-Beuve a fait un récit dramatique justement admiré, elle convertit si bien sa famille que cinq de ses sœurs et six de ses nièces, et enfin sa propre mère, devenue libre en 1619 par la très sainte mort d’un mari dont elle avait eu vingt enfants, se firent successivement religieuses à Port-Royal. Plusieurs de ses frères et de ses neveux furent dans la suite entraînés de même, et Port-Royal ne tarda pas à devenir aussi célèbre que les Carmélites et que la Visitation. On n’y dogmatisait pas, on n’y cherchait querelle à personne, on tâchait simplement d’y opérer son salut comme le voulait saint Paul.

C’est alors que saint François de Sales entra en relations avec la Mère Angélique et, par elle, avec tous les Arnauld. Il conçut pour Angélique, en 1618, une de ces affections célestes dont les profanes ne comprennent pas la nature, et que Racine a parfaitement caractérisées en quelques mots. L’évêque de Genève vint plusieurs fois à Maubuisson, que réformait alors la Mère Angélique, envoyée là par ses supérieurs ; il vint à Port-Royal ; il vit et revit Angélique ; il lui écrivit des lettres enflammées qui font aujourd’hui le dé-