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histoire du mouvement janséniste

tions d’ordre purement politique empêchèrent Paul V de publier la bulle préparée contre Molina, et le pape imposa silence aux deux parties. Les Jésuites d’Espagne illuminèrent, ils chantèrent victoire ; leur hérésie, épargnée par le Saint-Siège, fit chaque jour de nouveaux progrès.

Obligés malgré tout de se modérer sur les questions de doctrine, les confrères de Molina imprimèrent à leur activité dévorante une autre direction. Ils ouvrirent des collèges, ils composèrent des ouvrages ascétiques, et surtout ils se firent une spécialité de la conduite des âmes des riches. On sait qu’après les attentats de Jean Châtel et de Barrière, et après la pendaison de leur Père Guignard, ils furent chassés de France en 1595 ; mais l’intercession du pape les fit rappeler en 1603, et Henri IV eut l’idée singulière d’exiger qu’il y eût toujours à la cour un jésuite considéré comme otage. Cet otage avait le pouvoir de remettre les péchés, il devint donc pour le roi un confesseur occasionnel et bientôt un confesseur en titre. Henri n’en fut pas moins assassiné, sans que les Jésuites aient été, le moins du monde, coupables de ce crime, par un pauvre fou qui avait médité sur les théories jésuitiques du régicide. Sous la régence d’une Italienne, superstitieuse à l’excès, les affaires de la Compagnie de Jésus prirent en France une tournure favorable. Louis XIII les protégeait ouvertement, et Richelieu, qui les connaissait bien, disait à ses confidents qu’« il serait dangereux de les choquer[1] ». Or il n’y a qu’un moyen de ne pas choquer des gens de cette espèce, c’est de leur donner tout ce qu’ils demandent, et même d’aller au-devant

  1. Propos tenu par Péréfixe à Ph. de Champaigne en 1664 (Racine. — Divers actes… des religieuses de Port-Royal. 1725. p. 74).