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chapitre xvii

Au xviie siècle, les congrégations d’hommes avaient subi plus ou moins le joug des Jésuites. Les Dominicains, qui avaient osé dénoncer Molina, avaient été asservis les premiers, et la seconde Provinciale a fait en quelque sorte leur oraison funèbre. Les Oratoriens lurent domptés un peu plus tard, sous le généralat du Père Bourgoing, l’ancien ami personnel de Jansénius, mais ils gardèrent quelque chose de leur indépendance, puisque Quesnel et Duguet purent entrer à l’Oratoire et y séjourner un certain nombre d’années. Les Bénédictins, hommes d’étude, se tinrent à l’écart, et ne furent guère inquiétés que comme éditeurs de saint Augustin. Quant à l’abbé de Rancé, il avait signé le Formulaire avant même de réformer la Trappe, et plusieurs fois il fit des déclarations antijansénistes plus ou moins fâcheuses. Il sauva ainsi son abbaye, mais les Jésuites savaient bien qu’il n’était d’accord avec eux, ni sur le dogme ni sur la morale — ce sont ses propres expressions — et son augustinisme, analogue à celui de Bossuet, était irréductible[1]. Il y avait à la Trappe des jansénistes militants, comme dom le Nain, que leur abbé laissait en paix. Les Chartreux creusaient paisiblement leur fosse, comme la règle l’exige ; les Capucins et les Sulpiciens secondaient les Jésuites de tout leur pouvoir, et d’une façon générale les moines et les nonnes n’attiraient pas l’attention sur leurs maisons respectives lorsque la Bulle Unigenitus vint modifier du tout au tout cet état de choses.

Il n’est pas malaisé de faire l’histoire des ordres religieux français au temps de la Bulle, car un certain nombre de contemporains ont défriché le terrain et

  1. Il va dans ses écrits beaucoup plus loin que le P. Quesnel.