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histoire du mouvement janséniste

neuf évêques acceptants. C’était le chaos, et rien ne le prouve mieux que cet étrange aveu du cardinal Fleury au premier président Portail, en 1732 : « Je sais mieux que vous que la Bulle ne vaut rien ; mais Louis XIV l’a demandée ; le roi l’a reçue ; son autorité serait compromise si elle était rejetée, il faut donc qu’elle soit reçue[1]. » C’était donc entre la Cour et le Parlement une lutte de principes, le conflit aigu des maximes secrètes de la royauté et des maximes déclarées du royaume ; il était impossible d’arriver à une entente.

Aussi les années qui suivirent furent-elles profondément troublées, car, si la Cour entendait ne pas faire usage de sa Déclaration du 24 mars, les prélats fougueux, et Vintimille à leur tête, s’en prévalaient pour persécuter les appelants soumis à leur autorité. C’est ainsi que furent détruites, en octobre 1730, les célèbres communautés de Sainte-Barbe, où l’on élevait la jeunesse dans les principes de Port-Royal ; et l’année suivante le séminaire des Trente-trois. Le lieutenant de police Hérault, tout dévoué aux Jésuites, était à la tête de toutes les expéditions armées que lui demandait l’archevêque de Paris. D’autres évêques non moins zélés, ceux de Boulogne, d’Amiens, de Reims, de Soissons, de Marseille interdisaient, en vertu de la Déclaration, les curés et les prêtres les plus estimables. En vain les Parlements protégeaient ces ecclésiastiques ; on cassait leurs arrêts, on évoquait les affaires au conseil du roi, et les lettres de cachet, expédiées par centaines et ensuite par milliers, rendaient l’exercice de la justice absolument impossible. L’affaire des quarante avocats en fut la preuve en 1731.

  1. Lettre d’un magistrat à Morénas, p. 117. — Opuscule du temps.