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histoire du mouvement janséniste

donnant au cocher l’ordre de se rendre à Saint-Cloud chez le duc d’Orléans. Mais le cocher se trompa de chemin, et il s’engagea sur la route de Paris ; il ne tarda pas à s’apercevoir de son erreur et il revint sur ses pas jusqu’à Versailles. Bien lui en prit, car le cardinal Fleury, sur le seul vu du titre du livre, donna l’ordre d’arrêter immédiatement Montgeron ; mais les cavaliers croisèrent son carrosse et continuèrent à le chercher sur la route de Paris. Il put donc aller à Saint-Cloud, il vit longuement le duc d’Orléans, un prince qui devait mourir en 1752 janséniste et privé de sacrements, et il revint tranquillement à Paris. Il eut encore le temps d’offrir son livre et même d’en lire une partie au premier président, au procureur général et à l’avocat Gilbert. Puis il rentra chez lui, dans son hôtel de la rue du cimetière Saint-André des Arts (aujourd’hui rue Suger), et à minuit et demie on le réveilla pour lui remettre une lettre de cachet qui l’envoyait à la Bastille. Il reçut cette lettre avec respect, il la baisa même avec joie, et le lendemain matin il était prisonnier du roi pour le reste de ses jours. Ses confrères du Parlement firent une démarche collective pour demander sa mise en liberté ; leur députation fut reçue par le roi ; mais il déclara que Montgeron lui avait manqué de respect en pénétrant ainsi dans sa chambre, et il refusa la grâce demandée.

Il est certain que Montgeron avait agi avec une audace singulière. Dans l’Épître au roi qui sert de préface à son livre, il attaquait vivement l’archevêque de Sens, le coryphée des constitutionnaires, et la cour de Rome, et les Jésuites, Il peignait sous des couleurs très sombres l’état de l’Église de France ; en un mot c’était un long plaidoyer pour les Appelants et un violent réquisitoire contre la Bulle. Montgeron dut