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chapitre xiii

tresigner cette acceptation par trop jésuitique. Ils résolurent donc de s’adresser au pape pour lui demander au préalable des explications, et ils écrivirent au roi pour lui rendre compte de leur conduite. La réponse du roi, dictée par le Père Tellier, ne se fit pas attendre. Il fut défendu aux huit évêques d’écrire à Rome ; Noailles eut ordre de ne plus paraître à la cour, et les autres prélats furent renvoyés dans leurs diocèses par des lettres de cachet. On fit recevoir la Bulle en Sorbonne, mais d’une manière irrégulière, et grâce à des mesures de violence.

D’autres difficultés surgirent quand Louis XIV voulut faire enregistrer au Parlement une déclaration relative à la Bulle dont il « enjoignait » l’acceptation à tous les évêques du royaume. Le parquet s’y opposa, car les évêques n’ont pas d’ordres à recevoir quand il s’agit de religion et l’on peut voir par le récit encore inédit de l’avocat général Joly de Fleury ce qui s’est passé à cet égard. Le monarque absolu voulait être obéi, et ce refus d’obéissance le mit plusieurs fois en fureur. Il dit à propos de Daguesseau et de Joly de Fleury qu’ils prissent garde à eux, qu’il avait le pied levé sur eux et que, s’ils faisaient la moindre bronchade, il leur marcherait à deux pieds sur le ventre. Il ajouta que le chemin n’était pas long de son cabinet à la Bastille ; qu’il voulait être obéi, qu’il y avait assez longtemps qu’il régnait pour savoir faire valoir son autorité ; qu’il voulait s’en servir sur la fin de son règne plus que jamais, dût-on dire que ce fût tyrannie[1]. Les scènes de violence se multiplièrent, et l’on pourrait dire sans exagération que Louis XIV n’est pas mort de vieillesse ; il est mort de rage parce que le Parlement

  1. Mémoires inédits de Joly de Fleury, alors avocat général.