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chapitre xii

Il y avait dans le monde un courant de sympathie pour Port-Royal ; on préférait les Oratoriens aux Jésuites dans les chaires, et c’est pour cela que les supérieurs de Bourdaloue le firent mourir à la peine ; beaucoup d’évêques suivaient l’exemple de Bossuet et observaient scrupuleusement la paix de Clément IX ; Bourdaloue même passait pour correspondre secrètement avec une religieuse de Port-Royal, et il faisait autoriser dom Thierry de Viaixnes, un des coryphées du jansénisme, à dire la messe dans sa prison de Vincennes. Jusqu’en 1704, année de la mort de Bourdaloue et dé Bossuet, Louise de la Vallière put lire chez les Carmélites les livres de Port-Royal ; on l’en priva ensuite et on la fit beaucoup souffrir, car « elle y trouvait ses consolations[1]. » Noailles, éclairé par Racine et soutenu par l’opinion publique, laissa quelque temps Port-Royal en paix. On put y enterrer en 1698 Le Nain de Tillemont et Thomas Du Fossé, et Racine lui-même en 1699 ; Pomponne mourut ministre et ne fut point disgracié une seconde fois. La même année, on put encore élire une abbesse, la Mère Élisabeth de Sainte-Anne Boulard, qui gouverna six ans une communauté sans cesse diminuée.

Néanmoins la situation de l’archevêque était la plus fausse et la plus embarrassante qui se pût imaginer. Il estimait, il vénérait même les religieuses de Port-Royal il aurait voulu les servir et les sauver mais il savait de science certaine que le Père La Chaise avait juré la ruine de leur maison, et que le roi était intraitable sur cette question ; qu’il en faisait son affaire et qu’il était pressé d’en finir, car il se sentait vieillir, et

  1. V. sur le rôle de Bourdaloue A. Gazier. Pascal et Escobar. — Paris, Champioa, p. 63.