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chapitre ix

forme. Ce n’est certainement pas lui, c’est bien plutôt Pontchâteau, que Bourdaloue a représenté sous de si noires couleurs dans le fameux sermon sur la Sévérité chrétienne[1] « sévère, mais délicat sur le point d’honneur jusqu’à l’excès, cherchant l’éclat et l’ostentation dans les plus saintes œuvres…. possédé d’une ambition qui vise à tout et qui n’oublie rien pour y parvenir ; bizarre dans ses volontés, chagrin dans ses humeurs, piquant dans ses paroles, impitoyable dans ses arrêts, impérieux dans ses ordres, emporté dans ses colères, fâcheux, et importun dans toute sa conduite. » Sainte-Beuve reconnaît dans ce portrait « la figure d’Arnauld » ; je n’y vois pas un trait qui convienne au célèbre docteur. Il est vrai que je ne reconnais pas non plus, dans cette page si peu chrétienne et si profondément injuste, même appliquée à Pontchâteau, l’admirable jésuite dont Boileau parla un jour en ces termes :


Enfin, après Arnauld, ce fut l’illustre en France,
Que j’admirai le plus et qui m’aima le mieux.

On ne possède pas les autographes de Bourdaloue, et l’éditeur de 1707, son confrère Bretonneau, paraît les avoir détruits pour lui faire dire tout ce qu’il a voulu. En toute occasion Arnauld nous est apparu avant 1679 comme un modéré, et il n’a pas cessé de l’être dans l’exil, car la prudence lui en faisait une obligation mais sa vie tout entière était réglée d’avance par la recommandation suprême que lui avait faite sa mère mourante « Ne se relâcher jamais de la défense de la Vérité, et la soutenir sans aucune crainte, quand il irait de mille vies. » C’est

  1. Cité par Sainte-Beuve, Port-Royal, II, 168-169.