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histoire du mouvement janséniste

Il est toujours tout juste et tout bon, mais sa grâce
Ne descend pas toujours avec même efficace.
Après certains moments que troublent nos langueurs,
Elle quitte ces traits qui pénètrent les cœurs.
Le nôtre s’endurcit, la repousse, l’égare.
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement, ou n’opère plus rien.

Au contraire la conversion de Pauline, l’invraisemblable conversion de Félix, et celle de Saint-Genest dans la tragédie de Rotrou, sont manifestement, comme autrefois celle de saint Paul, des coups de la grâce efficace par elle-même. Corneille est encore plus franchement moliniste dans Œdipe (1659), où il dit crûment (acte III, scène 5) :

Le Ciel, juste à punir, juste à récompenser,
Pour rendre aux actions leur peine ou leur salaire,
Doit nous offrir son aide, et puis nous laisser faire.

Mais sa traduction en vers de l’Imitation de Jésus-Christ le rapproche du jansénisme, car l’Imitation est, quand il s’agit de la grâce, un livre parfaitement augustinien et antimoliniste.

Molière, élève des Jésuites de Paris, qui ne l’ont pas rendu chrétien, était incapable de comprendre Port-Royal ; et ses démêlés avec le prince de Conti, un don Juan converti par l’évêque d’Aleth, n’étaient pas de nature à lui faire aimer les rigoristes ; il est pourtant certain qu’il a goûté les Provinciales et qu’il les a utilisées ; ce ne sont pas les jansénistes qui lui ont servi de modèles quand il a voulu peindre Tartuffe, Orgon et Mme  Pernelle.

Les purs littérateurs, Balzac, mort avant les Provinciales, Chapelain, Voiture, Mlle  de Scudéry, Saint-Évremond, Méré, La Rochefoucauld sont tous en dehors du mouvement janséniste, parce qu’ils sont plus