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chapitre viii

rôle va prendre une importance chaque jour plus grande dans l’histoire de l’Église de France, les évêques cédèrent, et, les uns avec enthousiasme, surtout les anciens élèves des Jésuites, les autres avec résignation, ils signèrent et firent signer le Formulaire. « Les temps étaient si fâcheux pour les disciples de saint Augustin, dit Hermant cité par Sainte-Beuve[1], qu’ils se croyaient obligés de regarder comme leurs amis ceux qui ne leur jetaient point des pierres, d’excuser la faiblesse de ceux qui se laissaient aller au torrent, pourvu qu’ils ne se déclarassent point contre eux, d’une manière envenimée. »

Ce fut le cas pour bien des évêques, et pour de nombreux docteurs de Sorbonne, anciens approbateurs de la Fréquente Communion ou partisans déclarés d’Antoine Arnauld lors de sa radiation en 1656. On put enregistrer ainsi la défection du docteur Sainte-Beuve, de l’abbé de Bourzeis, de l’Académie française, de Duhamel, curé de Saint-Merry, del’abbé de Rancé, qui n’a jamais cessé de juger bien sévèrement les Jésuites et Molina, de beaucoup d’autres enfin dont les noms feraient une liste très longue.

Les ordres religieux, particulièrement surveillés par les Jésuites, qui les jalousaient, durent se faire bien petits et bien humbles pour n’être pas inquiétés, car ce que Pascal avait dit des Dominicains dans la deuxième Provinciale se vérifia chez les Oratoriens, chez les Bénédictins, chez les Lazaristes, chez les Chartreux, partout enfin. « Nous dépendons des supérieurs. Ils dépendent d’ailleurs. Ils ont promis nos suffrages ; que voulez-vous que je devienne ? » Ainsi s’étaient affaiblis les Frères prêcheurs ; ainsi s’affaiblirent les

  1. Port-Royal, tome IV, p. 354.