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histoire du mouvement janséniste

rer si elles ne se trouvaient pas bien au monastère, et on prendra bien garde que dans ces contrats il n’y ait rien qui ressente l’intérêt et l’avarice, mais la seule charité et la crainte de Dieu ». Ce passage suffirait à montrer combien fut odieuse en 1662 la conduite de Mme  de Crèvecœur, une bienfaitrice qui, ne pouvant se faire admettre comme religieuse parce qu’elle ne le méritait pas, chercha une basse vengeance en contestant publiquement le désintéressement de Port-Royal. Ce, désintéressement avait pour principe un grand amour de la pauvreté, que les interrogatoires mettent dans tout son jour. Il y est dit à satiété que l’on reçoit les filles sans dot ; on prend ce qui est offert par les familles et, si l’on a trop de peine à nourrir les religieuses ainsi admises, on demande, sans l’exiger, une pension viagère de deux ou trois cents livres. Le visiteur Bail, apprenant cela, ne pouvait s’empêcher de dire (p. 85) « Voilà qui est bien noble et bien merveilleux ! »

Une des questions qui reviennent le plus souvent dans les interrogatoires, c’est naturellement celle des rapports des religieuses avec leurs Mères et entre elles, et c’est ici que se montre le mieux le véritable esprit de Port-Royal. La Sœur Hélène de Sainte-Agnès de Savenières ayant écouté aux portes, ce qui n’était peut-être pas très bien, entendit le doyen de Contes qui disait à M. Bail : « Elles ont trouvé ici le vrai secret d’élever des filles ; il n’y en a pas une qui ne soit contente, et à qui la joie ne soit écrite sur son visage. Nous ne trouvons pas cela dans les autres maisons, où une fille n’est pas si tôt professe qu’elle est dans l’ennui[1]. » À Port-Royal c’était l’union des cœurs, la déférence et la confiance réciproques, la charité chrétienne telle que la

  1. Hist. des persécutions, p. 118.