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histoire du mouvement janséniste

de Rouen déclarer le 25 janvier que la doctrine de saint Augustin était saine et excellente, « qu’on la pouvait approuver sans crainte, non seulement dans la matière de la grâce, mais encore dans toutes les autres, et que pour lui il signerait de son sang tout ce « qui était contenu dans les dix tomes de saint Augustin[1] » ? Et alors même il conspirait contre saint Augustin avec les Jésuites, qui mettaient le docteur de la grâce à « cent piques au dessous d’Aristote[2] ». C’était le chaos, et, suivant l’expression de l’archevêque de Sens, Henri de Gondrin, l’Assemblée n’était qu’une cohue.

La mort de Mazarin, survenue le 9 mars 1661, mit fin aux atermoiements et précipita la marche des événements. Trois jours après, Louis XIV établit un conseil de conscience composé de Pierre de Marca, archevêque de Toulouse, de Péréfixe, évêque de Rodez, et du Père Annat. Le 13 avril, au moment même où il se préparait par un semblant de retraite à la communion pascale, il ordonna l’expulsion immédiate de toutes les pensionnaires et de toutes les novices des deux monastères de Port-Royal. Les pensionnaires durent rendues à leurs familles dans les trois jours, les novices sortirent le 5 mai, et parmi elles se trouvait une fille du duc de Luynes. Le 8 mai, jour où la Mère Angélique, presque mourante, fit faire une procession de pénitence, au cours de laquelle elle s’évanouit, le supérieur de Port-Royal, Antoine Singlin, dut se retirer et se cacher pour éviter une lettre d’exil. Il fut remplacé par un moliniste outré, extravagant, grossier et vaniteux à l’excès, qui se nommait Bail[3].

  1. Hermant, tome IV, p. 572.
  2. Ibid., p. 581.
  3. « Ses cheveux se hérissaient, dit Racine, au seul nom de Port-Royal, et il avait toute sa vie ajouté une foi entière à tout ce