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histoire du mouvement janséniste

Les Provinciales et le miracle de la Sainte Épine n’ont pas sauvé Port-Royal, mais du moins les persécutions dont il était l’objet se sont ralenties en 1656 et durant les quatre années suivantes. Les Jésuites furent contraints de se tenir sur la défensive, et l’impudente apologie pour les casuistes de leur Père Pirot leur attira bien des affaires : les curés, les évêques, la Sorbonne même, et finalement le Saint-Siège leur infligèrent censures sur censures et condamnations sur condamnations. La reine-mère, renseignée par le chirurgien Félix et par les grands vicaires de l’archevêché, dut se rendre à l’évidence ; elle crut malgré elle au miracle, et elle agit en conséquence. « Elle commença, dit Racine, à juger plus favorablement de l’innocence des religieuses de Port-Royal ; on ne parla plus de leur ôter leurs novices ni leurs pensionnaires, et on leur laissa la liberté d’en recevoir tout autant qu’elles voudraient. M. Arnauld même recommença à se montrer ou, pour mieux dire, s’alla replonger dans son désert avec M. d’Andilly son frère, ses deux neveux [Saci et Le Maître] et M. Nicole, qui depuis deux ans ne le quittait pas, et qui était devenu le compagnon inséparable de ses travaux. Les autres solitaires y revinrent aussi peu à peu et y recommencèrent leurs mêmes exercices de pénitence. On songeait si peu alors à inquiéter les religieuses de Port-Royal que le cardinal de Retz leur ayant accordé un autre supérieur, en la place de M. du Saussay qu’il avait destitué de tout emploi dans le diocèse de Paris, on ne leur fit aucune peine là-dessus, quoique M. Singlin, qui était ce nouveau supérieur, ne fût pas fort au goût de la cour, où les Jésuites avaient pris un fort grand soin de le décrier. » Et Racine saisit cette occasion pour faire un magnifique éloge de Singlin ;