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fus vivement impressionné par l’éminente qualité de cette peinture, en même temps que ma mémoire lui associait le souvenir d’œuvres étroitement apparentées non seulement par des analogies de style, mais encore par des identités matérielles. Je me chargeai volontiers d’entreprendre à son sujet une enquête d’état civil qui devait m’entraîner à de longues recherches et à plusieurs déplacements dont Londres, Bruges, Berlin, Vienne, Munich et Rouen marquent les étapes principales. J’en publie aujourd’hui les résultats.

Et d’abord le tableau offre les caractères d’une indiscutable authenticité.

Le cours de son histoire peut être remonté avec certitude jusqu’aux dernières années du XVIIIe siècle, soit jusqu’à une époque où le style des Primitifs — des « Gothiques », pour parler la langue d’alors — était bien le dernier qui pût tenter les faussaires ! Voici, en effet, un certains nombre de fait précis, garantis par des textes, dont je dois l’indication à l’extrême obligeance de M. Gobert, juge d’instruction près le tribunal de Dunkerque. Aussi bien est-ce M. Gobbert qui avait fait don à M. Léturgie de cette Vierge, qu’il avait lui-même recueillie dans la succession de son père, décédé président honoraire du tribunal de Saint-Omer. Celui-ci tenait la pièce de sa mère (1788-1860), qui en avait elle-même hérité de son père, Louis Deroy (1758-1839). Enfin ce dernier, à une date imprécise, mais sûrement postérieure au 7 floréal an III et antérieures au 1er messidor an IX, avait apporté notre tableau, en compagnie de plusieurs autres à Montreuil-sur-Mer, sa ville natale, où il rentrait après un séjour de plusieurs années à Ostende. Sans doute avait-il formé sa collection à la faveur des liquidations de biens ecclésiastiques.

D’autre part, l’œuvre se distingue par un état de conservation remarquable. Le panneau est fait de deux ais de chêne, assemblés dans le sens vertical de manière à former un rectangle haut de 0m96 sur 0m64. Il se trouve encore serti dans son cadre original, une moulure très simple en chêne noirci relevé d’or. Sauf une étroite fissure déterminée par un faible écartement des ais, quelques gerçures et une couche de salissure superficielle déposée par quatre siècles d’exposition aux poussières de l’air et aux fumées des cierges, il est intact. Surtout, il le précieux mérite de ne pas présenter la