Page:Gavarni - Grandville - Le Diable à Paris, tome 3.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AUX OISEAUX DE LA PÉPINIÈRE.

Voici le temps du renouveau
Où l’œuvre en fleur jaillit du rêve,
Où le vieux jardin est plus beau,
Où Dieu prodigue à tout la séve.

À l’ombre des bois plus épais
L’âme est de lumière imprégnée ;
Ces rameaux implorent la paix…
Et l’homme affile sa cognée.

Quittez vos nids de la saison,
Fuyez, oiseaux, ces branches frêles ;
Un espoir brille à l’horizon…
Ouvrez vos ailes !

On respire de toute part
La verte odeur de la jeunesse ;
Le sol fermente et, tôt ou tard,
Il faut qu’un jardin vous renaisse.

Partout, narguant les bûcherons,
Se dressent les forêts hardies,
Et, des hêtres aux liserons,
Feuilles et fleurs sont reverdies.

Vous aurez encor des printemps,
Oiseaux, et des amours fidèles
Sur de vieux chênes de cent ans…
Ouvrez vos ailes !

J’en sais un, sur le sol gaulois,
Immortel malgré ses blessures,
Et qui garde, en dépit des rois,
Son ombrage aux races futures.

Arrosé du sang des aïeux,
Il a grandi la tête haute ;
Volez au chêne, oiseaux joyeux,
Loin de ces lilas qu’on vous ôte.


Vaillants oiseaux, volez encor
À travers les vents et les grêles !
Pour l’atteindre il faut un essor…
Ouvrez vos ailes !

victor de laprade.