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vieillard en crédit pour retrouver plus promptement son importance perdue ; elle expie enfin par des années de raison et d’orgueil une heure folle d’amour.

Certes, il a fallu aux femmes une bien grande habileté pour arriver à cette influence, malgré tant d’obstacles, malgré ces lois faites contre elles, malgré les craintes soupçonneuses des hommes, si jaloux de leur autorité. Elles ne sont parvenues à prendre cet empire qu’a force de duplicité et d’innocente hypocrisie, elles se sont résignées : elles ont accepté avec douceur le rôle modeste qu’on leur imposait pour déguiser leurs prétentions au rôle important, qu’elles voulaient jouer ; elles ont voilé leur supériorité réelle sous une futilité volontaire, exagérée, insupportable, et elles ont ainsi rassuré leurs tyrans, ou plutôt leurs rivaux, qui, les voyant si folles et si légères dans leurs plaisirs, ne se sont pas aperçus qu’elles étaient plus que jamais ambitieuses et profondes dans leurs desseins.

Elles ont dansé pour cacher qu’elles pensaient ; elles ont déraisonné pour cacher qu’elles devinaient ; il y en a même qui ont fait semblant d’aimer, pour cacher qu’elles jugeaient, elles ont volé le sceptre et l’ont caché sous les chiffons, et, comme elles étaient bien soumises, on les a laissées régner.

Ce fut un travail merveilleux et tant soit peu diabolique ; mais un vieux philosophe de nos amis prétendait que toute Française était plus ou moins douée d’une certaine dose d’infernalité. Elle n’a pas, ajoutait-il, précisément fait ni signé de pacte avec Satan ; oh ! non, une Française ne se compromettrait jamais jusqu’à lui laisser de son écriture ; mais il s’occupe d’elle, et elle est en coquetterie avec lui. Sans le bien traiter, elle l’écoute.


De quoi se compose une jolie femme a Paris. — Pour tous les vrais connaisseurs, la beauté sociale est la plus séduisante ; aussi voit-on, à Paris, beaucoup de femmes très-admirées, très-aimées, et réellement très-aimables, dont la beauté se compose :

D’un joli bonnet, ruban rose, reflet favorable ;

D’une charmante robe de soie, nuance amie, forme intelligente ;

D’un soulier virginal ;

D’un petit bracelet sans valeur, mais d’un style pur ;

D’un bague précieuse, religieusement portée ;

D’un beau mouchoir brodé, élégamment déplié ;