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Dieu sait qui les avait collées là, ces images ! les années avaient passé dessus. On y voyait les chapeaux à cornes, les perruques, les habits vert-perroquet, les gilets à fleurs tombant sur les cuisses, les cravates montant jusque sous le nez. C’était vieux, vieux ! et tout restait dans le même état.

Je regardais cela, comme Jean d’Arimathie regardait au fond du sépulcre vide.

Au bas de la vieille rue en pente, où pas une voiture ne passait, à droite d’une mairie, à gauche d’une fontaine toute neuve et blanche, la fontaine Cuvier, avec le lion où s’appuie une femme nue, l’aigle en l’air qui s’envole un mouton dans les griffes, et au-dessous tous les animaux de la création ; entre ces deux bâtisses je voyais un vieux mur couvert de lierre… Oh ! le beau lierre… comme il vivait et s’étendait ! — C’était le Jardin des Plantes.

Un peu sur la gauche du mur s’ouvrait une belle porte grillée, une sentinelle auprès. Là commençait l’allée en escargot bien sablée, tournant entre les plantes rares, les tulipes roses, — une fontaine en bénitier, pleine d’eau tranquille, à l’entrée ; — et sur la butte, en l’air, par-dessus le vieux cèdre du Liban, large, plat et fort comme un chêne, se dressait le pavillon, parmi de vieilles roches représentant des bois pourris, des coquillages, des plantes, que l’invalide vous expliquait venir du déluge.

Bien souvent, de loin, avant d’oser entrer, j’avais examiné ces choses, pensant que c’était le jardin de quelque richard ou d’un prince ; mais le passage continuel des vieilles femmes, leur cabas sous le coude, des ouvriers, des enfants, des soldats, m’avait enfin appris qu’on pouvait passer, et j’étais entré comme tout le monde.

Voilà l’un de mes plus beaux moments à Paris. Au moins là tout n’était pas des pierres, au moins ces plantes vivaient. Ah ! c’est quelque chose de voir la vie ! Oui, j’en étais content, tellement content que l’attendrissement me gagnait, et que je m’assis sur un banc à l’intérieur, pour regarder, respirer et presque fondre en larmes. Depuis trois mois je n’avais pas vu d’autre verdure que les grandes allées en murailles des Tuileries ; je ne savais pas ce qui me manquait, alors je le compris et je me promis bien de revenir. Ah ! s’il était tombé seulement un peu de rosée, cela m’aurait fait encore plus de bien, mais il ne tombe pas de rosée à Paris ; tout est sec en été, tout est boueux en hiver.

La cage des serpents, derrière une file de vitres grises ; le vieil élé-