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Cette femme, je la vois toujours ; elle ressemble à celles du Dagsberg, qui vont aider leurs hommes à déraciner des tocs. C’est terrible !

Contre l’autre arche, et séparée par la voûte, c’est la Gloire. L’empereur Napoléon figure la Gloire. Un ange lui met des couronnes sur la tête pour le bénir. C’est aussi très-beau.

Sur l’autre face, c’est l’Horreur de l’invasion, représentée par un cavalier qui écrase tout, et la Joie de la paix, représentée par des gens heureux qui rentrent leurs récoltes.

Voila ce qu’Emmanuel m’expliqua, car je n’avais pas assez d’instruction pour deviner tout seul.

Le bœuf, le cheval et les gens sont tout ce qu’il est possible de voir d’admirable.

Je pourrais en dire beaucoup plus, mais ces choses resteront là pendant des siècles ; et je pense, comme M. Nivoi, qu’il faut voir Paris pour connaître la grandeur de notre nation, sa gloire et sa force.

Ayant repris le chemin de notre quartier vers cinq heures, nous repassâmes dans le jardin des Tuileries, où les plus belles statues en marbre blanc se trouvent. Quant à vous dire les personnes qu’elles représentent, j’en serais bien embarrassé. Mais c’est achevé dans toutes ses parties, c’est entouré d’arbres et de petites allées bien unies. Les enfants jouent dans ces allées, les dames s’y promènent, et, malgré la foule, des ramiers volent aux environs ; ils descendent même sur le gazon pour manger les mies de pain qu’on leur jette.

Ces ramiers vous rappellent le pays, les grands bois, les champs, et l’on pense : « Ah ! si nous pouvions vivre comme vous de quelques petites graines, et si nous avions vos ailes, malgré les marbres, les palais et les colonnes, ce n’est pas ici que nous resterions. »

Je ne pouvais m’empêcher de le dire à mon camarade Emmanuel, lui rappelant comment le soir, au vallon, sous la Roche-Plate, en sortant de la rivière, — lorsque l’ombre des forêts s’allongeait dans les prairies, — on entendait les ramiers roucouler sous bois. Ils étaient par couples ; mais en ce temps nous ne savions pas ce qu’ils se racontaient entre eux ; je le savais maintenant, et je les trouvais bien heureux de pouvoir roucouler par couples, en se sauvant dans les ombres.

Emmanuel m’écoutait la tête penchée. J’aurais bien voulu lui parler un peu d’Annette ; mais je n’osais pas… J’avais tant… tant de choses sur le cœur !

Nous étions sortis du jardin ; il me conduisait à travers une grande