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LES MAITRESSES À PARIS
par léon gozlan

Ce mot n’a pas d’équivalents délicats dans la plupart des langues étrangères, par la raison que l’objet qu’il indique chez les autres peuples n’est pas comme parmi nous un être qui aime et qui est aimé. Les étrangers ont emprunté au vocabulaire grossier des sens des dénominations plus ou moins blessantes pour qualifier la femme choisie entre toutes que nous nommons en France Maîtresse. Leurs langues ingrates déshonorent sans pitié ce que la nôtre élève, elles souillent ce que nous parons de fleurs, elles tachent de boue le front que nous couronnons. Chez eux, la maîtresse est encore l’esclave antique, debout à l’angle du chemin ou accroupie dans l’ombre sur les degrés de marbre du palais ; chez nous, la maîtresse procède de la chevalerie et de la royauté ; elle a suivi Renaud et Tancrède aux croisades et s’est assise sur le trône avec Charles VII, François Ier, Henri III, Henri IV et Louis XIV. Agnès Sorel, Diane, Gabrielle, Montespan, nobles femmes, cœurs tendres, esprits charmants ! Sans elles les princes sur la volonté desquels elles ont régné n’auraient eu ni courage, ni délicatesse, ni loyauté, ni distinction. Ils n’auraient été que rois.

puissance renfermée dans le mot : — maitresse.

La maîtresse n’est pas la femelle du maître, comme une définition inexacte semblerait le laisser croire. Elle s’appelle maîtresse, parce qu’elle est tout simplement le maître. Elle est maîtresse, ou de la volonté, ou des actions, ou de la pensée, ou des secrets, ou de la fortune,