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était dame de charité. Tous mes pauvres m’adoraient, je les considérais comme mes enfants ; j’étais ferme, mais pleine de bonté pour eux, et lorsque j’ai cessé de les visiter, j’en connais qui ont pleuré ; je le dis parce que je l’ai vu. Malheureusement maman avait donné sa démission officielle en plein conseil, et ne pouvait vraiment pas revenir. Elle avait d’ailleurs des ennemis dans le conseil d’administration, sans quoi elle eût été nommée présidente, lors de la démission de Mme de V… qui était faite pour être présidente comme le grand Turc. Ah ! si j’avais tenu la sonnette à cette époque-là ! Mais voilà la chose : la belle-sœur de Mme V…, qui était trésorière de l’œuvre de Saint-Valentin, en voulait énormément à maman, à cause d’une femme de chambre qui nous avait été donnée par ce bon abbé Gilon, — depuis évêque. Or, cette femme de chambre avait la malheureuse habitude de se griser comme un joueur de clarinette. Il s’ensuivit que le cocher de Mme de V…, qui voulait épouser cette fille…

… Mais je bavarde et peut-être tous ces détails ne vous intéressent-ils pas. Je voulais tout simplement dire que Mme de V… et maman étaient à couteau tiré, de sorte qu’il n’y eut plus moyen de revenir sur la démission, et je me souviens très-bien que maman me dit, en sortant de cette séance qui avait été si chaude :

« Ma fille, je ne rentrerai dans cette enceinte que pour monter au bureau. »

Elle a tenu parole. Oh ! j’aurais fait comme elle ; nous avons le même caractère, nous sommes de fer quand il s’agit de dignité.

gustave droz.